Création de la Chaire Malek Bennabi d’Études Civilisationnelles : une première !
Création de la Chaire Malek Bennabi : un moment tant attendu
La création de la Chaire Malek Bennabi d’Études Civilisationnelles marque un jalon décisif dans l’histoire intellectuelle contemporaine du monde musulman. Il aura fallu plus d’un demi-siècle après la disparition de Malek Bennabi — mort dans un silence national aussi assourdissant qu’édifiant en 1973 — pour qu’une institution à la hauteur de son œuvre voie enfin le jour.
Une première historique pour institutionnaliser une pensée marginalisée
Ce n’est pas un simple hommage posthume ni une célébration tardive. C’est un tournant majeur. La création, en mai 2025, de cette chaire placée sous l’égide du Centre de Recherche Afak d’Alger constitue une première historique. Pour la première fois, la pensée de Bennabi se voit dotée d’un cadre académique structuré, pérenne et indépendant, rompant avec des décennies d’oubli, de récupération maladroite ou d’hommages sans rigueur.
Un penseur inclassable face aux idéologies dominantes
Pendant trop longtemps, ses disciples, souvent isolés, parfois moqués, ont maintenu vivante une pensée que ni les idéologies socialisantes, ni les lectures littéralistes d’un islam militant à des injonctions sans vision ontologique, n’ont su ni comprendre, ni absorber. Les premiers, parce qu’ils rejetaient toute spiritualité comme résidu prémoderne ; les seconds, parce que la complexité critique de Bennabi échappait à leurs schémas simplistes. Il n’entrait dans aucune case, mais en faisait éclater les murs.
Jusqu’ici, l’œuvre de Bennabi n’avait jamais bénéficié d’un programme de recherche institutionnalisé digne de ce nom. Les quelques initiatives précédentes — colloques épisodiques, publications éparses — relevaient plus souvent de l’hagiographie que de la lecture critique. Ce qui s’ouvre aujourd’hui, avec cette chaire, est une nouvelle phase : celle d’une relecture méthodique, exigeante, et stratégiquement orientée de son legs.
Une inauguration sobre, un geste fort
La cérémonie d’inauguration, qui s’est tenue à Alger le 10 mai 2025, a réuni un ensemble d’universitaires, de penseurs indépendants, et d’anciens compagnons de route du penseur. Sobriété dans la forme, intensité dans le fond : l’événement a opéré une réinscription de Bennabi dans le champ du débat contemporain. Non pas comme une figure figée du passé, mais comme le seul penseur musulman du XXe siècle à avoir tenté une théorie organique de la décadence et de la reconstruction civilisationnelle, échappant aussi bien aux dogmes idéologiques qu’aux mirages identitaires.
Un conseil scientifique de haute exigence
Le choix porté sur le Dr Ammar Talbi pour présider cette chaire ne doit rien au hasard. Proche collaborateur de Bennabi, témoin direct de son évolution intellectuelle et critique lucide de sa postérité, le Dr Talbi incarne une fidélité éclairée. Il dirigera un conseil scientifique restreint, composé d’universitaires rigoureux — islamologues, philosophes, sociologues, anciens élèves du maître — unis non par un consensus factice, mais par une exigence commune qui sera celle de repenser Bennabi depuis les impasses du présent.
Une pensée prophétique pour un avenir en gestation
La pensée de Bennabi sera confrontée aux défis majeurs du temps : consumérisme sans finalité, élites déconnectées, crise de la transmission, confusion entre foi et folklore, et disparition du sacré dans l’espace public. Elle ouvre un espace à ceux qui comprennent que la bataille des idées ne se gagne pas à coups de slogans, mais par l’élaboration patiente d’une vision du monde.
La pensée forte, méthodique, transversale n’est pas morte. Elle avait seulement été mise entre parenthèses. Bennabi l’avait pressenti lui-même : « On me lira dans trente ans », aurait-il dit. L’avenir est désormais ouvert.