Ali Ziri, ou la chronique d’une violence banalisée

Ali Ziri, chronique d’une violence banalisée

Un jour sombre pour la famille d’Ali Ziri. Un jour d’opprobre pour la République.
Argenteuil, 9 juin. 20h45. Une scène banale, tristement banale : contrôle de police à un carrefour de la ville. Le conducteur d’un véhicule, un Algérien de 61 ans, est arrêté. À ses côtés, sur le siège passager, Ali Ziri, retraité de 69 ans, habitant du quartier depuis des décennies.

Une mécanique bien rodée

Le ton monte. L’intervention policière tourne à l’épreuve de force. Le conducteur est extrait de son véhicule, plaqué, menotté, frappé. Ali Ziri, témoin impuissant, ose s’interposer. Il tente, peut-être naïvement, de rappeler quelques règles élémentaires de justice. Très vite, il est lui aussi neutralisé, menotté, insulté, frappé. Tous deux sont embarqués. Direction le commissariat, pour une garde à vue expéditive.

Une scène parmi tant d’autres, diront certains. Un fait divers parmi d’autres. Mais le terme même de “fait divers” devient ici une insulte à l’intelligence collective. Car cette histoire, dans sa brutalité répétée, dans sa mécanique si bien huilée, raconte autre chose : la permanence d’un regard, d’un réflexe, d’un mépris.

Quelques heures plus tard, Ali Ziri décède à l’hôpital d’Argenteuil.

Et l’on s’interroge, sans grande illusion : est-ce là le prix à payer pour avoir voulu défendre un semblant d’humanité ?
Est-ce là le sort réservé à ceux dont l’existence sociale pèse moins qu’un soupçon, ceux dont les noms évoquent à l’oreille de l’ordre républicain autre chose qu’une citoyenneté à part entière ?

Des mots qui tuent autant que les coups

Ali Ziri, 69 ans, dont quarante au service de la même entreprise, n’aura eu droit, au moment de l’interpellation, qu’à un mot : “sale bougnoule.” Une insulte d’un autre siècle, mais qui n’a jamais quitté le lexique mental de ceux qui confondent uniforme et impunité.

Rien ne change, ou si peu. L’image de l’Arabe ou du Noir reste figée dans l’imaginaire français : menaçante, suspecte, étrangère, même quand elle parle sans accent et meurt en silence.

Car il y a là une répétition tragique. Une mémoire courte, et une justice trop souvent muette.

Une indignation sélective, un aveuglement confortable

La France officielle — politique, médiatique, intellectuelle — se montre prompte à dénoncer les atteintes aux droits humains au-delà de ses frontières. Mais elle regarde ailleurs quand l’injustice a lieu chez elle, au détour d’une cité, dans l’ombre d’un commissariat, dans la banalité d’une garde à vue qui tourne au drame.

Combien de temps faudra-t-il attendre pour qu’une reconnaissance véritable s’esquisse ? Pour que les descendants des immigrés maghrébins et africains soient enfin considérés comme des citoyens à part entière, et non comme des variables d’ajustement électoral ou des suspects par défaut ?

Peut-on encore croire à la promesse républicaine quand la justice semble avoir deux poids et les médias deux vitesses ?
Le cas d’Ali Ziri n’est pas une anomalie. Il est un symptôme. Celui d’un système qui, sans le dire, sans même toujours le penser, hiérarchise les vies.

Ali Ziri n’était pas un martyr : il était un homme

Alors non, il ne s’agit pas ici d’indignation émotionnelle ou de posture victimaire. Il s’agit d’un constat. Et d’une exigence. Celle de dire que trop, c’est trop. Celle de refuser que le silence serve d’enterrement moral à des morts sans sépulture médiatique. Celle d’exiger que la République, si prompte à brandir ses principes, commence enfin par les appliquer à tous, sans distinction d’origine ou de prénom.

Pour que tous les “ammi Ali” reposent en paix

Ali Ziri n’était pas un martyr. Il était un homme. C’est justement pour cela que sa mort devrait nous hanter. À toutes celles et ceux que l’on continue de suspecter avant même de les écouter, à tous les “ammi Ali” que la République regarde de travers, il faut promettre plus qu’un hommage : il faut rendre des comptes. Et surtout, il faut ouvrir les yeux. Car à force de fermer les paupières sur les injustices, c’est notre conscience nationale que nous aveuglons

 

 

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