Ni soumises ni invisibles : contre le féminisme d’exclusion

Une parole borgne n’est pas un débat

Nous refusons d’être de tous les débats ou de tous les combats si ceux-ci traduisent une perception borgne des problèmes et présentent des analyses étriquées, voire perverses, de certaines situations.

Oui, les femmes musulmanes sont des femmes soumises :

Soumises à l’hypocrisie des appels et des combats qui occultent leurs souffrances.
Soumises à la perversité d’une grande majorité des politiciens qui piétinent, au nom d’une laïcité « relookée », leurs droits les plus élémentaires garantis par les textes fondamentaux de la République.
Soumises à la vague raciste et à son cortège de décisions, de lois et de circulaires qui violent de façon manifeste les articles majeurs des droits de l’Homme.

L’appel des « Musulmans citoyens pour les droits des femmes », dans lequel les signataires dénoncent « toutes les formes, physiques ou morales, de violences faites aux femmes », est un appel à la mobilisation « contre le sexisme dans la société française et pour l’égalité ».

Emploi, salaire, violences physiques ou morales, divorce, excision, contraception, choix du conjoint… Vaste programme que nous aurions applaudi des deux mains s’il n’y avait un bémol à ce joli « palmarès ». En effet, on n’y évoque pas une seule fois la violence dont sont victimes aujourd’hui les jeunes filles et les femmes de confession musulmane portant un foulard.

Omission stratégique : le silence sur les femmes voilées

Cet appel précise pourtant que « l’accès à toutes les formes du savoir est une des conditions premières de l’égalité ».

Or, la vocation de tout établissement pédagogique est justement de « conduire l’élève, l’étudiant, le stagiaire, l’apprenti ou l’apprenant à construire une relation au savoir qui l’amène à aimer l’acquisition du savoir et à connaître les stratégies pour acquérir efficacement et durablement ce savoir » (Omar Mazri : La République et le Voile, Symboles et Inversions).
Comment comprendre alors que les femmes, victimes de la violation de cette condition première d’égalité, ne soient évoquées à aucun moment ?

Marcher sur la tête serait un exercice moins périlleux que de comprendre les arguments évoqués pour justifier cette omission :

« Il y a d’autres sujets extrêmement importants dont il faut parler. D’autant plus que le sujet du voile déclenche les passions… Nous préférons travailler à l’apaisement. On n’a pas abordé ce thème car nous avons estimé qu’il n’était pas rassembleur, et on l’assume totalement. »

N’était-il pas justement temps d’inverser la vapeur, pour faire en sorte que ce sujet déclenche non pas les passions, mais la réflexion et l’analyse, en marge de toute manipulation idéologique et de toute bataille subversive ?

Faut-il se laisser imposer ce qui fait consensus et ce qui est toléré en termes de débat ?
Un pays colonisé doit-il arrêter de parler d’indépendance au prétexte que son colonisateur ne veut pas en entendre parler et est « contrarié » par le sujet ?

Pourquoi cet appel, au lieu de proposer un panorama exhaustif de ces violations faites aux droits des femmes, préfère-t-il au contraire surenchérir sur ces violations en les taisant ?

Un féminisme d’évitement ou de complicité ?

« On parle constamment des mêmes sujets en France sur l’islam et nous voulons sortir de ces logiques. » Dans la même logique, on peut alors dire qu’en France on parle de façon récurrente :

  • du fléau du chômage,

  • des ravages de l’alcoolisme sur des populations de plus en plus jeunes,

  • de l’échec du modèle scolaire français…

Faut-il, pour autant, arrêter d’en parler ?

Par cet appel, vous, musulmans, auriez dû vous sentir porteurs d’une charge que tous les pseudo-intellectuels et autres militants ont refusée.

Par cet appel, vous, musulmans, auriez dû remettre à l’ordre du jour l’exigence de liberté comme première condition d’un débat juste et impartial.

Par cet appel, vous, musulmans, auriez dû montrer — par la défense de la justice contre toutes formes de persécution faite aux femmes — la voie du droit et de la paix, en lesquels l’Islam vous oblige de croire fermement.

Une conclusion limpide et salutaire

Et s’ils persistent à refuser notre contribution loyale à tous ces combats, leur dire : « Que la Paix soit sur vous ! Nous ignorons les ignorants. »

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