La réforme de l’orthographe

La réforme de l’orthographe : entre simplification et crispation

Retour sur une mutation discrète de la langue française, où l’évolution orthographique se heurte à la sacralisation du passé.

Finirons-nous donc par en perdre notre latin ? Ce latin, matrice oubliée de notre langue, dont les racines irriguent des milliers de mots que nous utilisons — parfois sans en connaître l’étymologie — à l’écrit comme à l’oral ? À l’évocation de la réforme de l’orthographe, nombreux sont ceux qui lèvent les yeux au ciel, persuadés d’assister à un naufrage culturel. L’hypothèse est séduisante, mais fausse. Car cette réforme ne tombe pas du ciel numérique : elle est pensée, concertée, et bien plus modeste que ses détracteurs ne le prétendent.

La réforme de l’orthographe, une mesure pensée depuis 1990

C’est en 1990 que l’Académie française, institution peu suspecte de laxisme linguistique, publie un rapport sur la simplification de l’orthographe. Loin d’être une révolution subversive, il s’agit alors de lever certaines incohérences et d’alléger des règles jugées arbitraires, sans pour autant invalider les formes existantes. L’objectif ? Rendre l’apprentissage de la langue plus accessible, notamment pour les enfants, les apprenants étrangers, et les publics en difficulté.

La réforme propose donc deux orthographes valides : l’ancienne, toujours légitime ; la nouvelle, simplifiée, également correcte. On ne supprime pas, on autorise. Ce n’est pas une substitution, mais une cohabitation.

Qu’est-ce qui change à travers la réforme de l’orthographe ?

Les modifications portent sur environ 4 % des mots du dictionnaire — une proportion minime, mais symboliquement forte. Parmi les principaux changements :

  • La suppression de l’accent circonflexe sur les lettres “i” et “u” lorsque celui-ci ne modifie pas le sens : « cout » au lieu de « coût », « entrainer » au lieu de « entraîner » (mais on conserve « dû » pour le distinguer de « du »).

  • La simplification des mots composés avec trait d’union : « portemonnaie » remplace « porte-monnaie », « weekend » s’écrit sans césure.

  • Le remplacement de certaines graphies incohérentes, comme le « ph » remplacé par « f » dans « nénufar » (anciennement « nénuphar »), ou la régularisation de pluriels (on écrit désormais « des chasse-neige », invariables).

Ces ajustements ne visent pas à appauvrir, mais à rationaliser. Ils s’ancrent dans une logique pédagogique : moins de pièges, plus de cohérence.

Une réforme effective mais discrète

Longtemps ignorée dans la presse et absente des usages administratifs, la réforme a peu à peu trouvé sa place dans un domaine stratégique : les manuels scolaires. Depuis les années 2010, les éditeurs ont adopté cette orthographe simplifiée, désormais enseignée dans les écoles. Ce qui provoque parfois la stupeur des parents découvrant « ognon » sans “i” ou « événement » sans accent grave.

Mais il faut le redire : les deux formes coexistent. Et surtout, la littérature classique, les textes patrimoniaux et les œuvres du passé ne seront pas réécrits. Pas de réédition de Hugo, Proust ou Camus en « néo-français ». La réforme concerne uniquement l’usage vivant, évolutif — celui de l’école, de l’administration, du quotidien.

Langue vivante ou langue figée ?

Ce qui dérange, ce n’est pas tant la modification des règles que ce qu’elle symbolise. La langue française est, en France, un totem identitaire, presque sacré. Modifier son orthographe, c’est perçu comme un effacement du passé, un nivellement par le bas, une trahison de la culture. Mais cette crispation repose sur une illusion : la langue française n’a jamais cessé de changer. L’orthographe elle-même fut longtemps flottante, instable, jusqu’à sa codification tardive au XIXe siècle. Ce que l’on croit immuable ne l’est que depuis peu.

Ainsi, rejeter toute réforme, c’est confondre héritage et fossilisation. Aimer la langue, ce n’est pas la momifier, c’est accepter qu’elle vive, qu’elle respire, qu’elle s’adapte sans renier sa noblesse.

Une réforme mesurée, une réaction démesurée

Il est temps de dédramatiser. Non, la réforme de l’orthographe ne signe pas l’effondrement du français. Non, elle ne transforme pas les élèves en analphabètes. Oui, elle touche moins de 4 % du lexique. Et oui, elle peut faciliter l’apprentissage, sans abîmer l’esprit de la langue.

Reste à faire confiance à l’intelligence collective pour ne pas réduire cette réforme à une guerre idéologique. Il ne s’agit pas de choisir entre tradition et progrès, mais de reconnaître qu’une langue vivante évolue sans trahir.

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3 réflexions sur “La réforme de l’orthographe

  • Fontaine Olivier

    Changer hospital en hôpital, et un peu bête a mon sens quand on ne change pas tous les mots de la même famille, comme hospitalier , de plus en anglais et espagnol, on dit: hospital.
    Mais peut-être, veut on suggérer par là , qu’un hôpital, n’est pas un endroit où l’on vous offre l’hospitalité, ce qui ne serait pas faut dû coup on aurait pu changer complètement de nom.

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  • La réforme de l’orthographe permettra à la langue française de glaner des espaces linguistiques que lui a ravis l’anglais pour sa simplicité d’apprentissage

    Répondre
    • faouziafzg

      Être contre une réforme de l’orthographe par principe n’est pas une posture d’un grand interet en effet. Mais une ligne de réflexion s’impose malgré tout. Comment faire que cette réforme soit un véritable enrichissement et non une sorte de nivellement par le bas. Merci Aissa de votre lecture et de ce précieux commentaire.

      Répondre

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