La grève de la faim : suicide ou un acte militant ?

La grève de la faim revient sur les feux des projecteurs après l’annonce du début d’une grève par un millier de détenus palestiniens, dirigés par le leader du Fatah Marwan Barghouti afin de protester contre les conditions de détention dans les prisons israéliennes.

Apparue dès l’époque de l’Empire romain, et popularisée par Mahatma Gandhi, la grève de la faim, même si elle reste parfois incomprise, ne laisse généralement pas indifférent. Face au terrible spectacle de la mort d’un homme ou d’une femme qui, à l’aurore de sa vie, s’éteint, épuisé et décharné par une grève de la faim, l’action doit interroger notre esprit ou du moins notre sensibilité. La grève de la faim, aussi appelée jeûne protestataire, est une action par laquelle une ou plusieurs personnes décident de ne plus s’alimenter afin de protester contre une situation ou une décision qu’elles considèrent comme étant injustes. Elle peut être limitée ou illimitée et les personnes qui effectuent cette grève peuvent parfois poursuivre leur hydratation.

La grève de la faim est essentiellement motivée par un profond sentiment d’injustice. Certaines personnes l’effectueront pour dénoncer la situation dans laquelle eux-mêmes se trouvent, d’autres l’effectueront en guise de soutien.

La pratique de la grève est en général un mode d’action individuel. Mais lorsque la cause affecte beaucoup de personnes, elle peut être un véritable mouvement collectif. L’on citera, en guise d’exemple et bien avant celle des prisonniers palestiniens, la grève dite des « suffragettes ». Il s’agit de la grève de la faim menée en 1905 par des femmes anglaises qui avaient été incarcérées pour avoir réclamé le droit de vote au même titre que les hommes.

La grève de la faim revêt un caractère essentiellement politique. En témoigne différentes grèves telles que celle de Bobby Sands en 1981, figure de protestation des prisonniers républicains irlandais au cours du conflit nord-irlandais, mort après 66 jours de jeûne, ou encore plus récemment celle du maire de Sevran Stéphane Gatignon en 2012 pour réclamer des moyens pour les communes les plus pauvres.

Outre l’aspect politique, la grève de la faim est perçue par les détenus comme le seul moyen de se faire entendre. Ainsi en France, le nombre de détenus ayant recours à une grève de la faim est estimé à environ 1 500 par an.

Lorsqu’elle est limitée, la grève de la faim est surtout effectuée pour faire prendre conscience d’un problème, l’objectif étant surtout de sensibiliser l’opinion publique à un fait. Elle devient, lorsqu’elle est illimitée, un moyen de pression pour faire aboutir une cause. Dans ce cas, le ou les grévistes s’engagent à ne pas cesser leur jeûne tant qu’ils n’obtiennent pas gain de cause.

Cette action de contrainte conduit à dramatiser une situation en lui conférant le caractère d’urgence. Un jeûne prolongé pouvant entraîner la mort, l’action apparaît comme étant celle du désespoir. Est-il en effet utile de rappeler que la grève de la faim reste un moyen de protestation extrêmement dangereux, voire mortel ? Elle révèle donc la situation critique et inextricable dans laquelle le jeûneur se sent emprisonné et qu’il veut dénoncer par cet acte ultime.

En effet il ne s’agit pas d’un acte anodin. Lorsque le jeûneur perd 18 % de son poids total, des complications irréversibles peuvent survenir. Pendant les trois premiers jours, une perte de poids importante a lieu, due à l’élimination de l’eau et du sel de l’organisme. Dans les deux semaines qui suivent, l’organisme va alors puiser dans les réserves des graisses stockées. Le rythme cardiaque baisse ainsi que la tension artérielle. Puis, l’ensemble des molécules va se dégrader, ce qui ne peut qu’entraîner la mort si la grève de la faim est poursuivie.

Selon qu’elle soit limitée ou illimitée, la grève de la faim n’a pas le même effet. Mais dans les deux cas, elle nécessite la mobilisation de l’opinion publique pour donner du poids à l’action.

Dans le cas d’une grève limitée, pour qu’elle permette de sensibiliser l’opinion, elle s’accompagne généralement d’autres actions de communication afin de ne pas passer inaperçue. Il faut donc faire en sorte qu’elle soit très vite médiatisée pour mobiliser rapidement une opinion publique favorable.

Lorsqu’elle est illimitée, l’efficacité de la grève nécessite une réelle préparation psychologique, mais aussi logistique et communicationnelle. Ainsi, le choix par exemple du lieu de rassemblement lorsqu’il y a plusieurs grévistes est important de même que le choix d’un porte-parole. L’objectif reste toujours de faire connaître la cause pour laquelle cette grève de la faim est menée. L’on notera enfin que, pour qu’une grève soit efficace, il faut aussi que l’objectif soit réalisable et surtout compréhensible de tous, l’opinion publique n’aimant ni l’excès ni la démesure.

Même s’il est parfois incompris ou jugé un peu à la hâte comme n’étant pas un véritable moyen de lutte, mais plutôt comme un acte suicidaire, cet acte extrême interroge notre conscience, mais aussi l’éthique. Et plus que cela, il devient une action relativement cruciale dans des pays où les droits sont bafoués, ce qui ne laisse à des personnes d’autres recours que celui de se faire violence par un acte dit non violent  pour réclamer justice. Un sacrifice synonyme de résistance sur lequel l’opinion publique n’a pas le droit de fermer les yeux.

Faouzia Zebdi-Ghorab | Vendredi 21 Avril 2017

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